Nutrition et Maladie d’Alzheimer

Mieux comprendre le lien entre alimentation et maladie

En cette journée mondiale de lutte contre la Maladie d’Alzheimer, comment la nutrition peut-elle aider les patients et leurs aidants  ? Qui est touché par la maladie ? L'alimentation joue-t-elle un rôle dans la prévention ? Comment la maladie affecte les repas de la personne atteinte ? Quelles sont ses difficultés et comment l’aider à apprécier les plaisirs de la table le plus longtemps possible ? Le docteur Isabelle DURACK, endocrinologue et nutritionniste, fondatrice du réseau Bélénos-Enjeux-Nutrition répond à ces questions.

1. Maladie d’Alzheimer, qui touche-t-elle ?

La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neuro-dégénérative progressive. Elle se caractérise par un déclin des fonctions cognitives avec une perte de la mémoire épisodique puis du langage. Malgré les avancées thérapeutiques récentes et le développement de technique de dépistage précoce, en France, la maladie d’Alzheimer (MA) reste un véritable problème de santé publique. Elle touche environ 1,2 millions de personnes, chiffre qui pourrait doubler en 2050.

La prévalence de la MA est plus élevée chez les femmes que chez les hommes, en raison notamment d’une espérance de vie plus élevée : 85,2 ans contre 79,3 pour les hommes, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques en janvier 2023.

2. En quoi l’alimentation est-elle importante dans la MA ?

Une perte de poids involontaire peut précéder la survenue de troubles cognitifs et de la MA.
La perte de poids survient souvent dans l’évolution de la maladie s’il n’y a pas de prise en charge spécifique avec un risque accru de souffrir de dénutrition.

3. L’alimentation joue-t-elle un rôle important dans la prévention de la MA ?

Des recherches ont montré l’intérêt de l’approche nutritionnelle dans la prévention de la maladie. Bien choisi, le régime alimentaire pourrait également ralentir la progression de la neuro-dégénérescence et améliorer les fonctions cognitives et la qualité de vie des patients atteints par la MA.

Un apport de lipides de qualité

Apporter des lipides, notamment des acides gras (AG) poly-insaturés de type oméga 3, est bénéfique pour le fonctionnement neuronal. Parmi les organes les plus riches en lipides, le cerveau arrive en deuxième position, après le tissu adipeux.
Les lipides sont, en effet, une source d’énergie, ils composent les membranes cellulaires et servent de base à la formation de seconds messagers.

Privilégiez les graisses riches en oméga 3 que l’on trouve dans l’huile de colza, de noix et les poissons gras (sardine, maquereau, hareng, saumon, thon…)
Limitez la consommation des graisses saturées (graisses des viandes, produits laitiers gras, en général les graisses qui figent à température ambiante, huile de palme…)

Une attention particulière aux glucides

Tout un chacun sait qu’une hypoglycémie a tendance à diminuer les performances cognitives (mémoire, concentration et attention) et à augmenter les phénomènes de nervosité, anxiété et stress. Bien que le glucose soit le carburant préférentiel du cerveau, le choix des glucides dans l’alimentation n’est pas anodin.
Dans la MA, le métabolisme du glucose est ralenti avant même que les patients ne présentent les signes caractéristiques de la maladie. Les personnes atteintes de la MA présentent une perte de sensibilité à l’insuline avec une diminution de la capacité du cerveau à utiliser le glucose.

Préférez les sucres complexes aux sucres raffinés
Optez pour les produits alimentaires qui font monter moins vite le taux de glucose dans votre sang. Ces aliments sont dit à « index glycémique bas » comme par exemple, les pates al dente, les légumineuses ; lentilles, pois chiches, haricots blancs riches en fibres.
En revanche, le pain blanc, le sucre raffiné, les pommes de terre en purée font monter la glycémie très vite et sont appelés aliments à « index glycémique fort ».

Une consommation suffisante d’antioxydants

La MA présente des niveaux élevés de stress oxydatif. Il est donc intéressant d’apporter suffisamment d’aliments riches en antioxydants comme les fruits et légumes, les fruits oléagineux (noix, noisettes, amandes, germes de céréales complètes) riches en polyphénols et en vitamines antioxydantes…

Au-delà des aliments, ce sont les régimes alimentaires qui sont importants

Si le choix des aliments est important, c’est surtout leur association dans un cadre d’un mode alimentaire qui semble davantage lié à des effets protecteurs ou délétère pour notre santé en générale et la santé de notre cerveau en particulier. Il n’y a pas, en effet, d’aliments foncièrement bons ou totalement mauvais, c’est leur association et surtout la régularité de leur consommation qui importe.
Une nouvelle étude parue en mai 2023 dans le journal scientifique Frontiers in Neuroscience a effectué un examen systématique de l’association entre interventions nutritionnelles et MA. Ce travail a identifié 38 études publiées entre 2018 et 2022. Une revue est intéressante car elle comprend des études cliniques randomisées, des revues systématiques et des méta-analyses.

Le régime dit « occidental » et progression de la MA

Il s’agit d’un régime qui associe des apports élevés en graisses saturées avec une charge glycémique importante et un taux de cholestérol élevé. Ce régime dit « occidental » serait pro-inflammatoire et favoriserait la progression de la MA en augmentant les réserves de peptide Aβ et d’autres biomarqueurs de la neurodégénérescence dans la MA.

Le régime méditerranéen davantage neuroprotecteur

A l’inverse, un régime riche en fruits et légumes, céréales complètes, à base d’huile d’olive, de noix et de poisson améliore les performances cognitives et augmenterait le volume de matière grise, améliorerait la mémoire et diminuerait son déclin.

Des niveaux adéquats d’acides gras oméga 3 et de probiotiques seraient également associés à un ralentissement du déclin cognitif et à une réduction du risque de démence.

D’autres régimes cétogènes, c'est-à-dire riches en graisses et pauvres en glucides, réduiraient le stress oxydatif ainsi que les effets délétères de l’altération du métabolisme du glucose dans la MA. Cependant ces régimes sont difficiles à suivre au long cours et nécessitent une surveillance par des professionnels de la nutrition.

Si ces études encouragent à la prévention nutritionnelle, l’impact des régimes alimentaires ne sont efficaces qu’à un stade précoce de la maladie. Une fois la MA installée, elle impacte la personne atteinte dans son quotidien et dans son alimentation.

4. Comment la MA affecte les repas de la personne atteinte ?

Lorsque le MA est avancée, elle peut affecter considérablement les habitudes nutritionnelles :

La notion des heures de repas disparait

La maladie entraine une perte de la mémoire. La personne ne sait plus si elle a mangé ou pas et oublie volontiers les heures des repas. Ceci entraine à la longue des carences alimentaires et des risques de déshydratation et de dénutrition.

Les goûts et l’appétit changent avec la maladie

Le sens de l’odorat et du gout peut s’altérer. La personne n’aime plus ce qu’elle aimait auparavant et inversement peut être attirée par des aliments qu’elle n’avait pas l’habitude de manger. L’appétit s’amenuise avec la baisse du moral.

Le comportement se modifie

Rester à table devient difficile. Il n’est pas rare que la personne atteinte de MA quitte la table ou mange très lentement. Elle peut ne pas se tenir en place ce qui accroit les besoins énergétiques et les risques de dénutrition si les apports ne sont pas majorés.

La reconnaissance des aliments devient difficile

La MA peut affecter la reconnaissance des aliments mais aussi celles des couverts qui ne sont plus utilisés.

Des troubles de la déglutition peuvent survenir

A un stade avancé de la MA, des troubles de la déglutition peuvent compliquer l’ingestion des aliments.
Tous ces éléments peuvent entrainer des carences alimentaires avec une baisse de l’autonomie et conduisent à la dénutrition.

5. Comment aider la personne atteinte de MA ?

L’attention portée à l’alimentation est primordiale tout au long de la maladie. Elle est non seulement utile à préserver l’autonomie et la santé physique mais participe également au plaisir, à la santé morale et à la qualité de vie du patient.

Associez la personne malade à la préparation des repas

Si cela est possible, cette participation contribue à maintenir plus longtemps ses capacités. Si cela prend du temps, faites livrer un des repas de la journée pour préparer ensemble une partie de l’autre repas.

Prenez les repas à heures fixes

Cela permet de structurer la journée et consolide les repères temporels qui aident la personne malade à s’orienter dans le temps.

Soignez les présentations des repas

Une table simple, agréable et colorée, une odeur de cuisine appétissante stimulent l’appétit.

Ouvrez l’appétit par une promenade

La marche, l’activité physique en plein air aiguise également l’appétit.

Partagez les repas en compagnie

Il est toujours plus agréable de manger ensemble. Cela donne l’occasion à la personne atteinte de MA de repérer par mimétisme comment continuer à se servir des couverts. Nommez les plats au fur et à mesure que vous les mettez à table et à chaque service.

Mangez à l’aide des mains

Il peut être plus facile pour la personne malade, à un certain stade de la maladie, de manger avec les doigts. Il s’agit d’une expérience qui permet de rester autonome, lorsque l’usage des couverts devient difficile. Dans ces circonstances, on peut préparer des aliments sous forme de bouchées pouvant être saisies avec les doigts ; petites boulettes de viande ou de poisson, bâtonnets de légumes, cubes de fromage, morceaux de fruits…

Encouragez l’hydratation

Avec l’âge la sensation de soif s’amoindrit. La MA majore ce phénomène, ce d’autant que la personne oublie de boire. Incitez la personne à boire et disposez de la boisson à proximité.

L’ensemble de ces mesures contribueront à préserver un bon statut nutritionnel nécessaire à son autonomie.

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Références
https://www.fondation-mederic-alzheimer.org/wp-content/uploads/2023/03/alzheimer-actualites-janvier-2023.pdf
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-11/argumentaire_denutrition_pa_10_nov_2021_v2.pdf
Effect of nutrition in Alzheimer’s disease : a systematic review. Front. Neurosci. 04 May 2023- Sec Neuropharmacology- Vol 17 2023